Anne Duk Hee Jordan
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Les séries de Duk Hee Jordan explorent et critiquent les thématiques de la mémoire et la culpabilité.
La culpabilité, qu’elle soit vécu ou imaginaire, est toujours mutuellement reliée à la culture et la mémoire. L’une de ses récentes installations de pierres prend racine à Kandahar (Afghanistan). Elles se placent en témoin du conflit Afghan. Les pierres sont originaires de KAF (Aérodrome de Kandahar), la base militaire des États-Unis en Afghanistan.
KAF n’est pas l’Afghanistan; il est considéré comme un territoire États-unien, le dernier refuge où la bataille finale des talibans s’est déroulé. Ces pierres portent le témoignage des conflits passés et présents. Elles racontent les atrocités de la guerre et portent les marques du combat. Les pierres dévoilent d’innombrables histoires passés, transportées de manière critiques jusqu’aux visiteurs et donc dans le présent. En tant que dernières traces restantes, ces trouvailles représentent quelque chose qui fût et qui est aujourd’hui totalement perdu. L’action mécanique de l’oeuvre renforce ces associations : les pierres se mélangent au sein d’une chorégraphie mécanique et asymétrique, produisant du sable et du son. Ce sable devient une métaphore qui amène à l’image symbolique d’un lent processus.
Obsidian, 2014
La nouvelle oeuvre produite par Anne Duk Hee Jordan présente une obsidienne, roche volcanique caractérisée par son noir intense et vitreux. Lors d’une lente et automatique chorégraphie, un crystal quartz translucide rape la surface de l’obsidienne. Dans plusieurs centaines d’années, le quartz aura polit l’obsidienne jusqu’à en faire un miroir. Le mouvement lascif des deux pierres aux couleurs contrastés est d’une étrange poésie muette.
Une nouvelle fois, l’origine de l’obsidienne est révélatrice de significations plus larges correspondant à des contextes précis. Anne Duk Hee Jordan à collecté la pierre le long des montagnes islandaises après l’irruption du volcan Eyjafjoll en 2010. Ce désastre, qui a immobilisé le traffic aérien global, a était ressentit dans toutes les couches de la société, de conséquences économique à celles sociales. Cette catastrophe inattendu s’amalgame avec la crise économique mondiale qui vit l’effondrement des banques de l’île et autres pays, un évènement particulièrement dévastateur pour l’Islande et le reste de l’Europe. Cependant, avec le temps ce qui s’est passé sera révolu, seuls les souvenirs et fragments brisés de l’obsidienne restent.
Avec sa performance “ATLAS” Duk Hee Jordan va plus loin dans ces significations symboliques intrinsèquement liées aux pierres, leurs origines géographiques et mythes diffus. Les ruines de plusieurs anciennes civilisations – de Stonehenge, des îles de Pâques aux pyramides – montrent qu’ils utilisaient d’énormes pierres pour construire leurs monuments. On pourrait se demander pourquoi utiliser des pierres d’une taille et d’un poids aussi colossal quand ces même structures auraient pu être construite à moindre effort avec de plus petits morceaux ?
Il semblerait que la volonté de réaliser simultanément des mémoriaux à la fois historiques et éternels en constitue la réponse. Nous savons qu’ils avaient des méthodes pour déplacer ces pierres massives qui rendaient la tâche aussi aisée que de lever des briques d’un kilo. Quelques chercheurs ont même postulé que nos ancêtres étaient passés maîtres dans l’art de la lévitation, grâce à des procédés soniques ou d’autres obscures méthodes qui leur permettaient de défier et manipuler les lois de la gravité.
Lors de sa convaincante performance narrative, une pierre massive (1,5m x 1,5m) des montagnes Atlas est levée au moyen d’une grue et pivote lentement de gauche à droite jusqu’à ce qu’elle oscille d’elle-même. Ensuite elle est lâché à approximativement 15 mètres de haut et se brise en une myriade de morceaux.
“Ainsi, j’essaye de créer une synthèse au travers ma performance entre de vieilles mythologies et leurs représentations grâce à une forme technique moderne – la forme étant la grue et la pierre représente les mythologies historiques de la mémoire culturelle.
Les pierres originaires des montagnes Atlas reflètent ce duel symbolique. D’un côté l’Atlas est la première vertèbre du cou, qui porte la tête, formant par conséquent l’un des éléments les plus crucial de notre structure. Un cou brisé est souvent fatal et peut entraîner la paralysie totale des membres supérieures et inférieures, mais aussi détériorer les organes vitaux. Si l’on considère le “cou brisé” de manière figurative selon la mémoire culturelle comme incarnée par cette pierre, il est impossible de se servir des expériences passés pour agir dans le futur. Si l’on supprime les expériences du passé en effaçant toute mémoire, alors aucune réflexion ni changement, dans le présent comme dans le futur, ne peuvent avoir lieu. Par conséquent l’histoire serait interrompu et des richesses attachés à l’expérience culturelle accumulées pendant des milliers d’années seront irrévocablement perdus. Les pierres originaires des montagnes Atlas reflètent un duel symbolique. La menace d’un cou brisé culturel est délicatement équilibrée par un autre mythe historique, si l’on se réfère à la dénomination des pierres d’après le Titan grec Atlas. Atlas a participé à la révolte des Titans contre Zeus et fut vaincu. Comme punition, il fut condamné à la lourde tâche de porter le ciel, supporter l’immensité du monde sur ses épaules. Alors, continuant l’analogie, la mémoire culturelle également, a la lourde tâche d’absorber et diffuser le développement historique de notre histoire culturelle, non seulement pour elle-même, mais aussi pour les futures civilisations qui regardent vers le passé pour trouver la vérité. Le futur de la civilisation dépend probablement de notre conscience envers les propriétés intellectuelles en tant que richesses qui forgent de nouveaux chemins pour le futur.”
La performance aura lieu le Samedi 1er mars 2014, 16h – situé à 15km hors de Marrakech, en collaboration avec Les Laboratoires OUF, organisé par Akram Haissoufi.
ATLAS, Marrakech 2014 from anne duk hee jordan on Vimeo.
Anne Duk Hee Jordan est née en Corée et vit et travaille à Berlin. Elle a étudié à l’Académie des Arts de Berlin Weissensee, puis a continué avec un Master d’art plastiques à l’Institut für Raumexperimente supervisé par Olafur Eliasson à Berlin. Elle a eu des expositions individuelles à Taiwan, au Japon, à Munich, Francfort et Berlin, tel que “Metrotopie” à Haus der Kulturen Welt (HKW, 2011). Elle a également participé à des expositions collectives, notamment au Museum of Contemporary Modern Art de Tokyo, the Goethe Institute (Sao Paulo), et le Reykjavik Art Museum.